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La loi Alimentation, mesure phare d’Emmanuel Macron pour l’agriculture, arrive en séance plénière au Sénat mardi 26. Le passage en commissions a déjà amené les sénateurs – plus sensibles aux revendications des lobbies agricoles que les députés – à reprendre la copie de l’Assemblée, notamment sur les questions environnementales. Le dernier mot reviendra cependant à l’Assemblée.

Pas de doute, députés et sénateurs ne sont pas sur la même longueur d’onde quant au projet de loi Agriculture et Alimentation issu des Etats généraux de l’alimentation. Rien d’étonnant si on rappelle que l’Assemblée est dominée par la majorité présidentielle, même si certains députés ont fait preuve d’indiscipline vis à vis du gouvernement, alors qu’au Sénat, LREM ne dispose que de 21 sièges, contre 145 pour Les Républicains (sur 347 sièges).

De fait, les sénateurs, réunis en commissions les 12 et 13 juin, puis le 20 juin, ont passé à la sulfateuse les amendements que les députés avaient votés la semaine précédente en séance publique.

C’est particulièrement le cas pour la 2e partie du projet de loi portant sur « une alimentation saine, de qualité et durable ». Ils ont d’ailleurs retenu nombre de revendications de la FNSEA, mais aussi de la coopération agricole,  laquelle affiche sa satisfaction.

Les sénateurs ont ainsi supprimé l’article qui interdit les remises, rabais et ristournes lors de la vente de produits phyto, craignant qu’une telle mesure n’engendre des coûts supplémentaires pour les agriculteurs, alors qu’ils sont déjà dans un contexte économique difficile. Même argument pour justifier une remise en cause d’une séparation stricte de la vente et du conseil pour les produits phyto.

Les sénateurs ont adopté un texte qui sépare la vente d’un « conseil stratégique », mais pas d’un « conseil spécifique » correspondant à la façon d’utiliser le produit en fonction des conditions climatiques de l’année. Ce qui a fait dire à Jean-Baptiste Moreau, député LREM rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, que les sénateurs « ont vidé la mesure de sa substance ».

Fini l’étiquetage sur les modes de production

Les sénateurs ont aussi balayé d’un revers de main l’article que les députés avaient voté à l’arraché imposant un étiquetage sur le mode d’élevage, l’origine géographique, la mention « nourri avec OGM » ou encore le nombre de traitements sur les fruits et légumes frais. Les sénateurs craignent que de telles étiquetages ne dopent la concurrence européenne, non soumise aux mêmes exigences, au détriment des produits français.

Remise en cause du taux de 20 % de bio en restauration collective

Ils sont aussi revenus sur le taux de 20 % de produits bio dans la restauration collective pour ne retenir qu’un taux global de 50 % de bio, local et durable. Ce qui ne satisfait absolument le gouvernement et devrait faire l’objet d’amendements lors du débat en séance publique à partir du 26 juin. « J’espère pouvoir convaincre les sénateurs », a insisté le ministre de l’Agriculture.

En ce qui concerne la première partie du projet de loi portant sur l’équilibre des relations commerciales, les commissions du Sénat n’ont pas autant détricoté le travail des députés ; mais ils ont fait des retouches. Ils ont ainsi assoupli certaines dispositions de la contractualisation, permettant une révision automatique des prix par le fournisseur en cas d’envolée des cours. Le but étant d’éviter un nouveau scenario tel que la crise du beurre de l’an passé. Ils ont aussi supprimé l’obligation que ce soit les organisations de producteurs qui établissent la facture, redonnant la main aux acheteurs, donc aux industriels.

Mais surtout les sénateurs ont supprimé purement et simplement du projet de loi Egalim l’habilitation du gouvernement à prendre des ordonnances pour réformer le statut de la coopération agricole qui avaient pour but de renforcer la transparence dans la redistribution des gains des coopératives. Voilà qui enchante les coopératives, alors que les agriculteurs risquent de déchanter.

Le texte de loi est examiné par le Parlement en procédure d’urgence. Après la première lecture à l’Assemblée puis la première lecture au Sénat, une Commission mixte paritaire (comité restreint de représentants des deux chambres) cherchera à mettre au point un texte commun. A ce stade, il semble peu probable qu’elle y parvienne. Une deuxième lecture interviendrait alors à l’Assemblée puis au Sénat. En cas de désaccord persistant, le texte reviendra à l’Assemblée pour la « lecture définitive ». L’Assemblée, et sa majorité La République en Marche, aura donc le dernier mot.