Neuf grandes organisations de producteurs laitiers se fédèrent afin de peser sur la loi Alimentation. Elles n’acceptent pas d’être reléguées au second plan.

C’est un amendement adopté au Sénat qui a mis le feu aux poudres : alors que l’Assemblée nationale, en première lecture de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans l’agriculture et l’alimentation, avait inclus les organisations de producteurs au sein des interprofessions, un amendement du Sénat les en a exclus.Ceci a amené pas moins de trois associations d’organisations de producteurs et six organisations de producteurs du secteur laitier à annoncer leur réunion en une fédération. Il s’agit de l’AOP Grand Ouest, Sunlait, l’Unell (qui à elles seules pèsent plus de 4 milliards de litres de lait), l’APLBC, Biolait (principale OP pour le lait bio), France Milkboard, l’OPLGO (Lactalis), l’OP Mont Blanc et l’OP Saint-Père. « D’autres devraient suivre, » annonce Dennis Berranger, président de Sunlait (producteurs pour Savencia).

Pas de fonction commerciale

Cette fédération «  a pour but de faire entendre la voix des OP dans les débats », en particulier durant l’élaboration de la loi. Elle « n’a pas pour objet de peser dans les négociations commerciales » ultérieurement.

Les OP et AOP qui s’engagent dans cette nouvelle fédération entendent à la fois veiller à la qualité des indicateurs économiques qui seront élaborés  au sein de l’interprofession du lait et à ce que les prix plancher qui seront calculés ne finissent pas par enfermer des organisations de producteurs dans un prix tiré vers le bas. Ce qui serait en effet un comble.

La présence systématique des OP dans les interprofessions – témoin de leur rôle grandissant, encouragé par l’Union européenne depuis une dizaine d’années via notamment son organisation commune des marchés – avait fait l’objet d’un amendement de la part du rapporteur Jean-Baptiste Moreau à l’Assemblée, soutenu par le gouvernement.

Au Sénat, le rapporteur (LR) Michel Raison s’est opposé au maintien de cet amendement, que la majorité Les Républicains a finalement annulé. Selon M. Raison, la loi permet déjà aux OP d’être membres des interprofessions. Si elles ne sont pas membres de l’interprofession du lait (Cniel), où les producteurs sont représentés par les syndicats représentatifs (FNSEA, Coordination rurale et Confédération paysanne), elles siègent en revanche aux interprofessions des fruits et légumes (Interfel), du porc (Inaporc) ou de la viande (Interbev). Nul besoin, selon lui, de redire qu’elles peuvent ou doivent siéger en interprofession.

La majorité LR a-t-elle visé l’épure législative ? Ou accéder aux pressions de syndicats qui ne souhaitent pas voir leur influence s’amenuiser sur un sujet central ? Quoi qu’il en soit, le dernier mot reviendra à l’Assemblée nationale.

Un rôle de plus en plus central

Les interprofessions sont des instances déjà stratégiques, appelées à le devenir davantage. En réunissant les producteurs, les industriels, les négociants, parfois la distribution de détail, elles sont un lieu de concertation sur le cahier des charges des produits et leur amélioration, l’harmonisation des apports, le soutien à l’export, etc.Elles ne peuvent cependant pas élaborer d’accord sur les prix des productions agricoles en l’état du droit de la concurrence européen. Il en existe plus de 70 en France.

Si le texte définitif de la loi Alimentation le confirme, ce sont les interprofessions qui élaboreront les indicateurs économiques qui doivent servir de base aux prix plancher des contrats de vente tels qu’ils vont être refondus afin d’être plus favorables aux producteurs.

Pour nombre d’entre eux, déjà membres d’organisations de producteurs qui sont de fait les défenseurs des prix de vente, notamment dans le lait de vache, ce sont bien les OP qui rédigeront désormais les contrats de vente, en lieu et place des contrats d’achat actuels émanant des laiteries. Il leur semble donc impensable de ne pas être présent dans une interprofession où, en revanche, devraient bientôt représenter les représentants de la grande distribution  avec laquelle les relations sont si difficiles.

 

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