Le vote de l’article de la loi alimentation sur la formation des prix a été repoussé à la rentrée, faute d’accord sur le texte. Cet échec a suscité « consternation et indignation » chez les producteurs.

L’échec du vote en Commission mixte paritaire du  projet de loi alimentation mardi a mis le feu aux poudres dans le monde agricole. Avec ce revers, se sont envolés les espoirs des producteurs de récupérer une partie de la valeur ajoutée sur les produits alimentaires et de dégager une marge comme l’avait promis Emmanuel Macron, le chef de l’Etat.

De la FNSEA aux producteurs de lait ou de bovins, toutes les organisations agricoles accusent le rapporteur Jean-Baptiste Moreau d’avoir fait capoter le vote du texte, à la demande du gouvernement, afin d’évacuer les amendements des parlementaires.

Députés et sénateurs avaient modifié le projet de loi de telle façon que  l’Observatoire des prix et des marges  puisse se substituer à l’interprofession si celle-ci ne réussissait pas à se mettre d’accord sur un indicateur des coûts de production. Une situation qui peut se présenter d’autant plus facilement qu’il faut l’unanimité des producteurs et des industriels pour adopter une décision.

Mise en cause de l’exécutif

La fixation des coûts de production est un des points clés de la loi sur l’alimentation et incontestablement la disposition dont les agriculteurs attendaient le plus. En proposant d’inverser la logique en vigueur pour partir des coûts de production plutôt que du prix au consommateur,  Emmanuel Macron avait suscité d’énormes attentes et gagné la confiance des agriculteurs. La déception et la colère n’en sont que plus grandes.

La FNSEA, « consternée et indignée », dénonce « une manoeuvre politique », déplorant que « les garde-fous » mis en place par les parlementaires aient été remis en cause. Les Jeunes agriculteurs y voient « un tacle de plus pour les paysans français », invoquant le risque d’« être encore les victimes des prochaines négociations commerciales », faute de pouvoir s’appuyer sur de nouveaux outils. Pour le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), « la loi alimentation ne permettra pas aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail ». Les producteurs de bovins font eux état d’« un sentiment de désolation ». Les producteurs de lait déplorent que le gouvernement entérine ainsi « la loi du plus fort au sein des interprofessions ». « On a voulu nous faire croire à l’encadrement des marges. On nous retire toutes les promesses », a souligné André Bonnard, le secrétaire général de la FNPL.

Séparation des pouvoirs

Pour autant, Jean-Baptiste Moreau récuse l’idée selon laquelle le projet de loi ne pourrait pas être voté et applicable avant les négociations commerciales. Accusé d’intervenir dans le travail des parlementaires, l’Elysée souligne de son côté « son respect pour la séparation des pouvoirs », tout en estimant nécessaire de rappeler l’esprit du projet de loi et les priorités du Président de la République. « Les interprofessions doivent être capables de mettre au point des indicateurs de prix. Sinon, elles n’ont pas de raison d’être », a insisté son entourage. Reste à voir si cette position de principe ne risque pas de mettre en danger l’esprit et les bénéfices de la loi sur l’alimentation, si les interprofessions n’arrivent pas à se mettre d’accord sur des prix moyens de production.

Marie-Josée Cougard