Le député de la Creuse Jean-Baptiste Moreau répond à ceux qui l’accusent d’être aux ordres des lobbies
Jean-Baptiste Moreau, interview de rentrée dans sa ferme © Floris Bressy
Dans un reportage de France Inter, dont le titre est : Bien-être animal : comment les lobbies et le ministre de l’Agriculture ont eu raison de Nicolas Hulot, Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse et rapporteur de la loi alimentation à l’Assemblée nationale, est mis en cause par Yves Jégo, ex-député UDI qui a posé sa démission le 15 juillet dernier, invoquant l’inefficacité du Parlement du fait du poids des lobbies. Ce dernier accuse Jean-Baptiste Moreau d’avoir fait le jeu des lobbies dans le cadre du vote des amendements de la loi alimentation, et de chercher à empêcher tout ce qui pourrait être défavorable à l’agriculture conventionnelle.
Il met en parallèle les promesses du candidat Macron, notamment celles d’interdire la vente d’œufs issus d’élevages en batterie et d’installer la vidéo surveillance dans les abattoirs. Ces promesses avaient provoqué les ires des différentes filières, qui auraient fait pression pour que les amendements, mettant en exergue ces promesses, ne passent pas et soient remplacés par d’autres plus complaisants.
Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse : « L’élevage des poules en cage va s’éteindre »
Loïc Dombreval, le président du groupe d’étude sur la condition animale à l’Assemblée nationale et député LREM des Alpes-Maritimes, avait déposé plusieurs amendements sur le bien-être animal, dont celui pour rendre les caméras obligatoires dans les abattoirs. Il ne les a pourtant pas soutenus en Commission des affaires économiques et déclare chez nos confrères : « C’était peine perdue, j’ai eu toute une série de discussions préalables et je me suis rendu compte qu’il était inutile d’aller plus loin. J’avais un veto strict, définitif, sur un certain nombre d’amendements que je voulais porter, de la part du gouvernement, du cabinet du ministre, et du rapporteur du texte. »
La réponse de Jean-Baptiste Moreau
« Des lobbies, il y en a dans tous les sens : associations, ONG, entreprises, syndicats. Association et ONG défendent aussi des intérêts, leurs intérêts. Lobby n’est pas un gros mot, cela permet d’avoir des échanges avec des gens qui ont différents points de vue, de les confronter. Ensuite, c’est à l’élu de faire le tri dans ce qu’on lui dit. Yves Jégo a fait un fonds de commerce électoral du bien-être animal. Quand on parle de lobbies, il faut parler de tous les lobbies et il faut faire attention à ce qu’ils ne dévoient pas l’action politique. Les lobbies sont présents, il ne faut pas le nier. Ce n’est pour moi pas dramatique à condition que l’homme politique fasse le tri dans ces lobbies et qu’il se fasse sa propre opinion sans être influencé uniquement par un côté ou l’autre. Moi, je fais confiance à l’intelligence des élus et de mes collègues députés pour être capables de faire ce tri.
Bien sûr qu’il y a des pressions, de part et d’autre.
Que les lobbies soient présents, évidemment, qu’il faille y faire attention, bien sûr. Ils doivent se déclarer auprès de l’Assemblée nationale, c’est la transparence. Bien sûr qu’il y a des pressions, de part et d’autre. Pour l’interdiction du glyphosate, l’inscription dans la loi, mes assistantes ont été obligées de couper le téléphone tellement j’avais des appels des ONG et associations, ça aussi c’est du lobbying.
Tous les lobbies représentent des intérêts. Quand le lobby vegan, qui veut faire arrêter toute forme d’élevage, défend les intérêts d’une industrie agroalimentaire qui a développé ce secteur vegan, ce n’est pas un mal mais c’est une réalité qui correspond à la demande de certains consommateurs. Mais que ce lobby-là ne se présente pas en chevalier blanc qui défend l’intérêt général. »
De plus, il nie le terme de « veto » employé par Loic Dombreval et indique qu’il a juste apporté un avis défavorable à l’amendement concernant l’obligation de vidéo dans les abattoirs. « Chacun donne son avis, ses arguments et tout le monde est libre. Il n’y a pas de consigne de vote. »
Il se laisse le droit d’intenter une action en justice contre Yves Jégo en diffamation.
La question des indicateurs de coût de production
Quant à la question des indicateurs de coût de production (ils doivent permettre un calcul des prix assurant un revenu aux agriculteurs et interdire la vente à perte), inquiétude grandissante des agriculteurs, il affiche sa position. « Le président de la République et le ministre de l’Agriculture vont être reçus par les syndicats agricoles. Leur demande, c’est d’avoir des indicateurs de coûts de production publics. Je me suis opposé à cela car ce n’est pas possible constitutionnellement, cela voudrait dire que l’État impose à deux sociétés privées, qui contractualisent un prix, c’est de l’économie administrée. Cela va être assimilé à un prix minimum qui sera aussi un prix maximum. C’est inefficace pour la revalorisation des producteurs.
Il faut que ces indicateurs soient validés par les interprofessions.
Vu que l’Etat ne peut pas imposer ces indicateurs, s’ils ne sont pas validés par l’ensemble des contractualisés et notamment les acheteurs, les distributeurs, ils les utiliseront de manière tellement minoritaire en terme de pourcentage qu’ils n’auront aucune influence sur le prix payé aux producteurs. Il vaut mieux que ces indicateurs soient validés au sein des interprofessions, que tous les organismes et toutes les entreprises concernées les valident et qu’ils soient utilisés. Là ils auront un effet significatif sur la revalorisation du producteur. C’est pour ca qu’on a prévu que le médiateur des relations commerciales puisse intervenir au sein des interprofessions afin d’obtenir un accord.
Les accords, au sein des interprofessions, doivent être pris de manière consensuelle, donc s’ils valident ces indicateurs à l’unanimité, cela va être compliqué pour les acheteurs de justifier qu’ils ne les utilisent pas. C’est donc plus efficace de faire comme cela. L’interprofession voit le Premier Ministre le 18 septembre et le Président mi-octobre. Si on n’arrive pas à avoir un accord il y aura des pressions sur ceux qui ne jouent pas le jeu. »
Il confie aussi regreter la démission de Nicolas Hulot, avec qui il s’entendait bien, et avoir un penchant pour Daniel Cohn-Bendit pour le remplacer.
Propos recueillis par Antoine Jézéquel
Photos : Floris Bressy